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Interview - initier le déploiement d'une culture du feedback dans son entreprise

Par
Sarah Macheboeuf
Sarah Macheboeuf
Modifié le
22
July 2024
Créé le
18
January 2022
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Formation

Amandine, l’une de nos clientes, DRH de Vilmorin Jardin, nous a fait confiance dans le cadre de l’initiation du déploiement d’une culture du feedback au sein de son entreprise. Nous avons pu travailler main dans la main, partir de son besoin et co-créer la formation que nous allions présenter à ses collaborateurs et son comité de direction. Nous avons élaboré une formule mêlant nos compétences et son expérience terrain. Chez einaï, nous apprenons aux côtés de nos clients, et nous adorons cela : non seulement, nous développons nos produits avec nos clients, mais nous les faisons également évoluer avec eux et leurs retours terrain.

Nesrine – Bonjour Amandine, ravie de te revoir. Peux-tu nous parler un petit peu de toi, ton parcours, ton entreprise ?

Amandine – Bonjour, je suis Amandine Panosyan, DRH de Vilmorin Jardin depuis 2 ans et demi. Vilmorin Jardin est une petite business unit au sein du groupe Limagrain, un groupe international semencier. Pour ce qui est de mon parcours avant d’arriver chez Vilmorin Jardin, ça fait 17 ans que je suis dans les ressources humaines, sur différents postes : j’ai commencé assistante RH, gestionnaire, RRH avant de développer la fonction de directrice RH depuis maintenant 7 ans au sein de comité de direction dans des environnements internationaux, principalement en transformation.

Nesrine – Quels étaient les enjeux du déploiement d’une culture feedback dans l’entreprise ?

Amandine – Il y en avait plusieurs : au travers d’un questionnaire RPS ou QVT sont ressorties des problématiques de communications au sein de l’entreprise, à la fois entre manager et collaborateur où la communication n’était pas très fluide, mais aussi entre collaborateurs, entre services, un fonctionnement en silos. Notre objectif était de fluidifier la communication, de travailler sur une meilleure collaboration entre services mais aussi sur les attentes très fortes en termes de reconnaissance non financière, c’est-à-dire savoir dire merci, fêter des réussites. Notre objectif était réellement d’accroître cette reconnaissance, de développer l’engagement des collaborateurs et donc, plus globalement, la performance de l’entreprise : on sait bien qu’ils sont intimement liés.

Nesrine – Tu nous avais fait part du souhait de ne pas former que les managers mais de généraliser à l’ensemble des collaborateurs. Pourquoi ? Surtout quand on connaît la particularité que vous avez chez Vilmorin Jardin : une partie des collaborateurs était en usine, sur site malgré le confinement, les collaborateurs du siège étaient en télétravail, et les commerciaux entre la route et le bureau.

Amandine – Notre objectif principal était que tous les collaborateurs de l’entreprise puissent être accompagnés. Cela nous semblait être un facteur clé de réussite dans la démarche parce qu’on part du principe que tout le monde est acteur. Les problématiques de communication n’étaient pas forcément qu’entre managers et collaborateurs, mais aussi entre les collaborateurs eux-mêmes. Si nous travaillons que sur les managers, nous n’activons pas tous les leviers. L’objectif était de former le comex, le top management, les managers de proximité… jusqu’aux collaborateurs de l’usine. Bien évidemment, avec des niveaux d’accompagnement différents. Nous ne voulions pas une formation one shot : nous voulions que le feedback devienne une partie intégrante de la culture d’entreprise. Développer la culture, ce n’est pas faire une formation feedback. Nous voulions donc un accompagnement adapté pour chaque catégorie, une variété de supports, une offre sur mesure, par rapport à nos besoins et pour répondre à ces objectifs là.

Nesrine – Au moment où tu t’es dit “je vais lancer une culture du feedback”, quels sont les KPI que tu t’es mis ? C’est intéressant pour les personnes qui veulent se lancer d’identifier au départ vers quoi elles veulent aller et comment elles vont le mesurer, car ces éléments sont assez abstraits.

Amandine – En Rh, on peine à pouvoir mesurer les résultats de nos actions. Les résultats concrets que l’on peut mesurer sont au travers de questionnaires que l’on peut lancer sur la QVT, à travers de choses très factuelles comme l’amélioration d’une notation par exemple. Ça a d’ailleurs été le cas dans l’un de nos questionnaires lancé en février/mars 2021, où l’on voit que cette action a porté ses fruits, la reconnaissance, la capacité à dire merci et à féliciter les équipes, à travailler, à continuer à travailler sur l’engagement, sont clairement remontées dans les notations avec un décalage bien entendu avec la reconnaissance financière : c’était un premier KPI, un premier indicateur. Le deuxième indicateur, qui est un peu plus au “feeling”, est l’amélioration de la qualité des interactions interpersonnelles, le nombre de problématiques de médiation que l’on est amenés à traiter au sein du service RH par rapport à des difficultés de communication. On peut voir beaucoup plus de feedback collectif, notamment passé au travers de mails, de réunions… Les collaborateurs, dans leur ensemble, ont reçu cette formation et ont maintenant la méthodologie qu’ils utilisent et expérimentent. Nous mesurons la multiplication des feedbacks et de la communication globalement dans l’entreprise.

Nesrine – As-tu vu, sur le terrain, avec les équipes, une utilisation concrète de ce qui a été enseigné? Est-ce que le fait de ne pas s’être limités à une formation, mais d’avoir opté pour un processus plus étendu, a permis d’ancrer de nouveaux usages?

Amandine – En peu de temps, nous avons eu des résultats. Les gens ont beaucoup accroché, les salariés nous ont fait des retours très positifs sur cet accompagnement. Ils en ont mesuré les effets au quotidien avec leur manager. Je pense qu’il y a plus de facilité à faire du feedback correctif, dans toutes les entreprises de manière générale. Nous sommes peut-être moins armés à faire du feedback positif, pour remercier. Dire merci c’est assez simple, mais finalement, on n’utilise pas la même méthodologie et ça n’a pas le même impact. Ça a finalement permis de rééquilibrer les choses, les feedbacks constructifs, les remerciements, les retours, les motivations etc… sont aujourd’hui beaucoup plus complets, ils répondent à une méthodologie et ont beaucoup plus d’impact. Ce qui nous a amenés à ça,c’est le fait que tout le monde ait été formé. En plus de ça, il y a eu les missions pour ancrer la pratique et pour ne pas simplement dire “ok on est allé en formation, c’était très bien, on en ressort et on garde finalement pas grand chose parce qu’on ne va pas l’utiliser. Nous avions des missions transmises chaque semaine avec des petites actions qui ne prenaient pas beaucoup de temps, pour pratiquer : la gratitude, s’exercer, demander un feedback… C’est quelque chose qui a fait vivre la formation dans le temps, qui a permis d’ancrer, d’expérimenter, vraiment pas à pas, afin d’instaurer une culture.

Nesrine – Nous avons travaillé ensemble car nous avions cette volonté d’ancrer les apprentissages dans le temps, qu’ils soient appliqués au jour le jour. Il y avait cette idée qu’une bonne communication est la responsabilité de tous et non pas seulement celle des managers. Certes, nous avons donné davantage de contenu aux managers, mais nous avions également à cœur de sensibiliser l’ensemble des collaborateurs et de les former aux compétences clés pour donner la possibilité à tous de faire vivre cette culture. Ce n’est pas une formation, c’est le déploiement d’une culture, c’est un changement de façon de faire, de posture. Nous avons proposé à tous les collaborateurs du contenu pour expliquer la méthodologie via un webinaire, disponible en replay, de la pratique via un atelier en petits groupes. Pour aller plus loin et les aider à mettre le pied à l’étrier, nous avons envoyé chaque semaine des challenges hebdomadaires, … Il manquait cependant quelque chose. Nous avons donc rajouté du management visuel. Amandine peux-tu nous en parler stp?

Amandine – C’est quelque chose que l’on avait pas forcément prévu au démarrage. Puis finalement, quand les missions se sont arrêtées, il y avait comme un manque. Qu’est ce que l’on garde, comment faire en sorte que ça ne s’essouffle pas, parce que même si ça dure quelques mois et que c’est beaucoup mieux qu’une formation one shot, on ne change pas la culture aussi rapidement. C’est un travail dans la durée. Il faut continuer à parler feedback, continuer à insuffler cette nouvelle dynamique. Du coup, le management visuel s’est un peu imposé. On avait envie de garder une trace, de rentrer dans les locaux de l’entreprise et de voir les éléments qui parlent du feedback, de remettre la méthodologie à tout moment sur les bureaux. Cette solution trouvée, avec les chevalets, est vraiment une très bonne chose : à chaque fois que quelqu’un passe dans mon bureau et voit le chevalet du feedback, il me dit “je veux le même”.

Nesrine – C’est vrai qu’on crée de nouveaux rituels. Il y a la fameuse technique des 21 jours, 21 jours pour créer une habitude. Mais en réalité, cela nécessite quand même plus de temps car il faut s’accrocher pour consolider les fondations. Le feedback est encore plus challengeant parce que l’on dépend aussi de son environnement, d’où la nécessité de former tout le monde et créer un environnement favorable à travers ces rappels visuels. Comment as- tu fait le choix en termes de prestataire ? Qu’est ce qui t’a poussé à travailler avec Einaï ?

Amandine – Nous avions déjà collaboré avec Einaï dans le cadre de la semaine de la QVT. Nous avions aimé l’approche, les valeurs, ça nous correspondait plutôt bien et je ne voulais pas d’un organisme traditionnel qui me fasse une réponse assez normée et standardisée, avec une formation. Nous avons pu travailler sur une solution sur-mesure et quelque part, vous avez été à l’écoute de nos attentes, de nos besoins. On a pu caler ensemble le budget, la bonne durée, et réussir à proposer un accompagnement qui s’inscrive dans la durée… Dans un format qui nous semblait adapté à un distanciel, parce que nous avions quand même cette contrainte de la crise et du contexte sanitaire, un challenge de plus. Et puis, le format était assez ludique. Nous avons proposé une variété d’accompagnements pour que l’intérêt ne retombe pas : les ateliers, les webinaires, les missions, du management visuel… C’est vraiment une solution très globale et c’est ce qui a été intéressant et c’est ce qui nous, nous a convaincus du choix de partenariat

Nesrine – Aujourd’hui, quelles sont tes fiertés sur ce projet que tu as initié, les réussites que tu peux nous partager ?

Amandine – J’étais étonnée qu’on ait eu des résultats aussi rapides ! Pour moi, mon objectif c’était sur le long terme de faire évoluer la culture et ça prend énormément de temps de changer les postures, ritualiser tout ça. Le plus étonnant, c’est les résultats très concrets, très rapides et mesurables. Les témoignages des collaborateurs, c’est une fierté, on sait que ça marche : ils étaient très contents et ont exprimé tous les résultats et les améliorations constatés. Voir le feedback grandir et se déployer dans les équipes en suivant cette méthodologie est une chose très appréciable au quotidien, ça fluidifie la communication et améliore l’engagement.

Nesrine – Le sujet a donc été bien accueilli. Ce qui pourrait également intéresser les personnes qui nous lisent, c’est de savoir, de connaître les freins qu’il peut y avoir et, s’il y en a, comment on peut les contourner, quels sont les pièges à éviter? Parce qu’à Vilmorin, il n’y a pas eu de soucis de budget et tout le monde t’a suivi !

Amandine – C’est vrai, je n’ai pas eu besoin de convaincre le comité de direction ou la directrice générale sur la nécessité du feedback, c’est un vrai plus pour moi. Tout le monde a adhéré au projet et a vu ce que l’on pouvait y gagner. Ça ne veut pas dire que l’on a pas rencontré certaines difficultés ou freins. Notamment en termes de communication : nous l’avions beaucoup axée sur la communication par mail, tous les collaborateurs munis d’un ordinateur portable ont bien reçu les communications qui sont arrivées et savaient ce dont on allait parler lors des ateliers. Par contre, on a une partie de la population qui ne possède pas d’ordinateur portable, qui travaille à l’usine ou sur le terrain : on s’est rendus compte que les managers n’avaient pas relayé et discuté du projet et certains collaborateurs sont arrivés lors des ateliers sans vraiment savoir ce qu’ils faisaient là… C’était une première difficulté de ne pas réussir à toucher tout le monde de la même façon et d’avoir un discours, un accompagnement, une communication autour de la démarche qui ne soient pas homogènes. Le deuxième point qui a été relativement important, c’est que l’on a fait les choses assez vite, les modules et l’accompagnement ont été lancés assez rapidement, dans un temps court et sur une période de l’année qui est très chargée chez nous, puisque l’on a une saisonnalité forte. De plus, ça a été une année exceptionnelle du fait de la crise, notre activité a été dopée, c’était une bonne nouvelle, mais il fallait lancer ce projet en même temps qu’une activité intense, avec de nombreux projets en parallèle, en cours, et des agendas très chargés … D’où quelques difficultés pour certains collaborateurs à réaliser les missions, même si elles avaient lieu une fois par semaine et étaient courtes. Dans la dimension managériales, ont aurait aimé aller plus loin, avec plus de participation : on avait fait le choix de ne pas imposer et de ne pas fixer des dates dans l’agenda, que ce ne soit pas une contrainte, mais de proposer aux managers de venir partager leurs idées, leurs rituels au sein de cette communauté. On a eu moins de participation que ce que l’on aurait souhaité, mais finalement, elle s’explique par cet agenda et ces nombreux projets. Il faut donc faire attention à avoir les ressources et le temps pour pouvoir lancer ce type de projet.

Nesrine – la formation n’était pas obligatoire et nous avons eu une participation de 100% des managers et presque autant côté collaborateurs. Que ce soit à l’usine ou les collaborateurs de “bureau”, il y a eu un fort taux de participation. On se rend vite compte que même si l’on est très motivés, il y a les contraintes d’agenda… Les entreprises, même si elles ont un besoin de changement, mènent souvent plusieurs projets en même temps.

Amandine – Il y a une priorité business, il faut donc beaucoup donner de sens. Si l’on devait faire quelque choses différemment, c’est le relais au niveau de l’ensemble des équipes sur le terrain et des ateliers physiques pour les équipes sur place, car c’est plus adapté malgré tout.
Au-delà de ça, on a un comité de direction qui a la chance d’être vraiment embarqué dans la démarche, ils étaient au soutien mais auraient aussi pu être un peu plus impliqués dans le déploiement, plus exemplaires : faire les missions et être de vrais ambassadeurs … Je pense que l’on a manqué d’ambassadeurs dans la hiérarchie.

Nesrine – Quels conseils donnerais tu pour les personnes qui lisent cet échange, pour convaincre son boss de l’intérêt de ce déploiement ?

Amandine – Je pense que c’est toujours assez compliqué sur les initiatives RH de faire cette mesure et de convaincre avec des éléments qui sont financiers. Je pense qu’il faut surtout amener des éléments axés sur « quels seraient les risques à ne pas faire ce projet”, c’est-à-dire ce que ça nous coûte aujourd’hui. Si c’est possible, calculer dans son organisation ce que coûte réellement la démotivation, le désengagement, les conflits internes. On aura du mal à dire, “tiens si on développe une culture du feedback dans l’entreprise ça va nous rapporter tant”. Mais on sait que bien souvent c’est ce qui domine lorsque l’on fait une présentation. Là, ça nous rapporte des choses difficilement mesurables comme l’engagement, la motivation, une fidélisation.. On sait qu’un salarié qui se sent bien est un salarié performant. On le sait et pourtant c’est assez difficile à chiffrer. D’où l’intérêt de prendre le raisonnement inverse qui est “voici le coût d’un collaborateur qui ne l’est pas”. En quoi ça va venir soutenir la stratégie globale. C’est une initiative qui vient en support du reste, c’est ce lien là, à mon sens, qu’il faut faire pour bien impliquer la direction, le management.

Nesrine – As-tu des choses à ajouter en dehors des questions ?

Amandine – Je pense que l’on a bien fait le tour, la seule chose que j’aimerais ajouter, au-delà des éléments factuels, mesurables que l’on a tenu, c’est que ce qui a aussi été très intéressant pendant cet accompagnement, c’est votre disponibilité ! Proposer des choses qui n’étaient pas prévues, repenser en cours de route, adapter, faire différemment, c’est cette agilité qui à mon sens a aussi fait la différence et qui a fait qu’on a pu travailler correctement dans les délais que l’on avait imaginés.

Nesrine – Merci beaucoup Amandine, en tout cas ce fût un réel plaisir pour nous de travailler avec toi et de pouvoir continuer à penser et faire des choses main dans la main.

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Sarah Macheboeuf
Chief Happiness Officer & Experte en Expérience Collaborateur

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